SIDI AÏÇA
Vers l’an 1560 de notre ère, Sid Ahmed-Amokran(1) succédait à son frère, Abd-el-Aziz, dans la principauté des Bni-Abbas. La légende est remplie de son nom ; elle le montre comme un prince humain, généreux, juste et valeureux.
Après le désastre qui avait envoyé la tête de son père aux crochets de Bab-Azzoun, Sid Ahmed-Amokran avait résolu de se ménager un appui sur les populations du Sud, et, au besoin, une retraite dans le Sahra, pour, en cas de revers, mettra ses ennemis dans l’impossibilité de l’atteindre.
C’est dans ce but qu’il organisa une armée relativement considérable, et qu’il se lança hardiment dans la région des Oasis pour y faire reconnaître son autorité. Le succès ayant couronné son audace, et les ksour lui ayant
ouvert leurs portes, il y plaça des chioukh et y mit des garnisons; enfin, il investit des fonctions de khalifa dans le Sahra un homme à oreilles fermées et à main de fer, Abdel Kader-ben-Dia, lequel maintint le Sud dans l’obéissance, et fournit de précieux auxiliaires à Mokrani lorsqu’il eut besoin de se défendre contre les attaques de ses turbulents voisins.
A la mort du khalife Abd-el-Kader-ben-Dya, Sid Ahmad- El-Mokrani lui donna pour successeur Sidi Aïça, marabout d’une grande piété, mais dont l’ambition était démesurée.
Il rêva, on effet, de substituer son autorité dans le Sahra à celle de son maître et souverain, et il mit dès lors tous ses efforts à gagner à sa cause les Nomades de son khalifalik. Quand il se crut certain du succès, il leva l’étendard de la révolte, et réunit autour de lui de nombreux contingents qui devaient lui permettre de résister à Mokrani ;
et d’asseoir son autorité sur la région que lui donnait sa trahison.
Mais, contrairement à ses prévisions, le marabout essuya une défaite complète à sa première rencontre avec les forces de Mokrani, et il tomba en son pouvoir.
Le marabout Sidi Aïça fut condamné à périr par le feu, et, malgré son caractère sacré, on l’amena sur le lieu où il devait être livré au supplice, Vainqueurs et vaincus étaient réunis pour assister à une exécution dont Mokrani voulait que les uns et les autres gardassent le souvenir.
Le saint marabout paraissait aussi calme, aussi serein que s’il se fût agi de la mort d’un autre que lui ; un sourire dédaigneux vint même plisser sa lèvre quand il comprit quel était le genre de supplice qu’on s’apprêtait à lui faire endurer. En effet, on
avait apporté un vaste tellis(1) à moitié rempli de poudre dans lequel il devait être renfermé. Pendant que se faisaient ces funèbres préparatifs, le saint, qui semblait toujours étranger à ce qui se passait autour de lui, se mit en prière, et récita à plusieurs reprises la chehada, qui est la formule de l’Islam ; puis, sur un signe de Mokrani, des hommes s’emparèrent du saint, qui, à ce moment, semblait transfiguré, et l’introduisirent dans le tellis, en ne lui laissant dehors que la tête. Ils mirent ensuite le feu à la poudre, qui fi t explosion avec une épouvantable détonation qui ébranla le sol à une grande profondeur ; en même temps, un nuage d’azur enveloppait le tellis, et s’élevait majestueusement dans les airs. Mais, ô prodige ! quand ce nuage se fut dissipé, on reconnut que le saint marabout était absolument intact. Le tellis seulement avait souffert, car il n’en restait plus la moindre trace.
Sid Ahmed-Mokrani, témoin de ce miracle, comprit qu’il y aurait imprudence de sa part à recommencer l’épreuve; et qu’il n’était pas de force, tout puissant qu’il était, à lutter avec un saint que Dieu protégeait si visiblement; il aima mieux se montrer, généreux à l’égard d’un homme auquel il ne pouvait faire aucun mal, et lui pardonner.
Devant son impuissance, il ne put s’empêcher de faire tout haut la réflexion suivante :
« Les marabouts sont les chardons,
Et nous les chameaux ;
Ils nous piquent
Quand nous les touchons. »
Nous devons dire que, pourtant, Sid.Ahmed-Amokrani ne poussa pas la démence jusqu’à lui rendre son khalifalik du Sahra.
Sidi Aïça se voua entièrement, après cette aventure, à la vie anachorétique et à la prédication. C’était le moins qu’il pût faire de se consacrer absolument à Dieu, qui, en somme, l’avait tiré d’un assez mauvais pas. Après quelques années de cette pieuse et austère existence, Sidi Aïça mourut en odeur de sainteté, laquelle, nous le répétons, est la
même que celle du musc, l’odeur favorite du Prophète.
1. En kabyle, le mot Amokran signifi e grand, chef. Le surnom d’Amokran, changé en Mokrani, sert, depuis cette époque, de nom patronymique aux seigneurs d’El-Kalâa et des Bni-Abbas.
1. Sac de laine employé généralement au transport des céréales et des dattes.
PAR
LE COLONEL C. TRUMELET-1892
Dernière édition par Qais le Sam Mar 03, 2012 5:46 am, édité 1 fois
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